Elysium est le dernier film de Neill Blomkamp, qui nous avait déjà offert le tortueux District 9. Ce film de science-fiction se différencie-t-il vraiment des autres blockbusters précédents ? Découvrons un monde ravagé par la pollution et la surpopulation, entre bidonville et paradis, entre cinéma hollywoodien et métaphore sociale.
Un monde manichéen en perdition
La vision dystopique du réalisateur s’est déjà réalisée dans District 9. Le speech est mis sur la table : dès les premières minutes du film, on nous explique que : 1) En 2154, la Terre est polluée et en surpopulation, et de 2) Les plus fortunés ont établi leur nouvelle maison sur Elysium, sorte de vaisseau en forme de roue qui les abrite de la misère. Pour faire simple, les pauvres essaient de s’en sortir dans la misère et la saleté, tandis que les plus riches profitent de leurs maisons spacieuses et de leurs jardins sur Elysium. Neill Blomkamp, dans une featurette dédiée à son nouveau film, décrit Elysium comme une métaphore de ce qui se passe actuellement dans notre civilisation, à savoir le fossé se creusant de plus en plus entre l’extrême richesse et l’extrême pauvreté. Chaque citoyen terrestre voudrait une place sur ce vaisseau enchanteur. Cet endroit concentre tous les désirs de l’être humain : beauté, richesse, pureté, nature et surtout santé éternelle. La toxicité de la planète est devenue telle qu’il est impossible d’y vivre en bonne santé, alors que sur Elysium, il existe des machines à rayons laser qui guérissent n’importe quoi… le rêve de n’importe quel mortel.
Matt Damon ou Max dans le film est affublé d’un exo-squelette en ferraille qui lui permet d’avoir la force d’un droïde. Cette machine accrochée à son corps pèse plus de 11 kilos pour l’acteur… heureusement Matt Damon n’est pas en reste de muscles. Matt Damon a dû faire énormément d’exercice physique afin d’avoir la forme pour le film. Un tournage éprouvant pour lui, puisqu’il a dû passer 2 semaines dans une décharge publique mexicaine. N’ayant que quelques jours à vivre après un grave accident nucléaire, Max décide de tenter le tout pour le tout et de faire un attentat contre un citoyen d’Elysium, un patron véreux, et de gagner sa place afin de se faire soigner. Jodie Foster, quant à elle, joue le rôle de la ministre de la Défense, Jessica Delacourt. Controversée à cause de ces méthodes un peu barbares, il faut bien le dire, c’est elle le deuxième « méchant » du film. Deuxième oui, car il y en a un bien pire : Kruger, ancien malfaiteur recruté par la ministre de la Défense d’Elysium pour éliminer les « problèmes » (donc ceux qui essaient de s’enfuir). Il n’a plus rien à perdre, il est fou, il est donc terriblement dangereux. Un bon point car l’acteur, Sharlto Copley, relève le niveau du film. Les personnages évoluent dans deux mondes bien distincts qui vont finir par se confronter.
Des références à n’en plus finir
L’injustice est le thème principal d’Elysium, et on a parfois du mal à ne pas faire la comparaison entre ce film et District 9, qui traitait de la ségrégation et du racisme. Des thèmes cachés sous une histoire d’Hommes vs. Aliens, une ghettoïsation forcée qu’on distingue également dans Elysium. Ce que l’on peut dire néanmoins, c’est que les images sont tout simplement époustouflantes de réalisme. Le panorama de la Planète Bleue recouverte de favelas, de déchets et surtout d’humains est saisissant. On peut faire un rapprochement avec les paysages cauchemardesques de Wall-E, le Pixar relatant la disparition de l’humanité sous un amoncellement de détritus. Mais l’analogie ne s’arrête pas là, car dans Wall-E les humains (tous, pour l’occasion) sont partis vivre dans un vaisseau aménagé et ont quitté la terre ferme pour se construire un nouvel îlot de plaisance dans l’espace. Les décors apocalyptiques et les plans larges rappellent également un autre long-métrage très récent : World War Z, où la planète était non possédée par la pollution mais par des zombies. Le fameux studio ILM a travaillé sur ces décors vétustes, et spécialement sur le Los Angeles en ruines. Le nombre de détails à créer pour donner l’illusion d’une surpopulation est impressionnant : cabanes, échelles, bâches, cordes, tuyaux, voitures et bien sûr toutes sortes de détritus. Richard Buff, un artiste spécialisé dans le matte painting et les environnements a travaillé sur l’éclairage des bâtiments, et l’expression globale qui en émane. Graffitis, saleté, poussière, des éléments ont été ajoutés afin de rendre le film réaliste.
Les effets spéciaux : Tore et machinerie lourde
Le style particulier d’Elysium a été inspiré de la Tore de Stanford, un design réalisé pour la colonisation spatiale en 1975. Le « Tore » est une forme géométrique représentant un tube fermé. Au sein de celui de Stanford, la lumière du soleil est distribuée par miroirs et l’intérieur de la boucle est susceptible d’abriter la civilisation. Autant dire que l’idée n’est pas nouvelle, mais repris par de nombreux auteurs de science-fiction (notamment dans 2001, l’Odyssée de l’espace).
Pour les effets spéciaux, Blomkamp a réuni Image Engine et plusieurs collaborateurs comme Weta Workshop pour les costumes, ILM, Whiskytree et bien d’autres. Petite anecdote financière, le budget du film fait 3 fois celui de District 9… Paradoxalement, le réalisateur a voulu s’éloigner le plus possible des effets via ordinateur pour donner plus de réalisme au film. Mais on ne peut pas créer un monde tel que celui-ci sans l’aide de studios d’effets spéciaux confirmés. Au niveau de la modélisation et du rendu, les équipes d’effets visuels ont eu beaucoup de travail. Entre les droïdes, les vaisseaux et les machines, certaines scènes complexes de la création d’Elysium ont plus de 3 trillions de polygones ! Image Engine et Whiskytree ont collaboré pour réaliser la surface dure de l’anneau, ainsi que les structures comme les arbres, les résidences et les bâtiments de gouvernance. Le superviseur des effets spéciaux, Votch Levi, a voulu créer des environnements presque sans utiliser de matte painting, juste avec le moteur de rendu Arnold, ce qui a bien marché au final.
Le costume de Max, le squelette externe auquel il est relié, a été conçu avec de l’uréthane, plusieurs pistons et beaucoup de lycra. Le studio Weta s’est occupé de ce costume, surnommé par l’équipe le « HULC » ainsi que de tous les autres équipements comme l’exo-squelette de Kruger, les tatouages, les blessures, etc. Un travail remarquable de finesse puisqu’on peut remarquer tout au long du film l’ambiance les détails qui font l’ambiance d’Elysium.
Les riches, les pauvres, les droïdes
Il existe dans le film de nombreux droïdes tous au service de la population d’Elysium. Chacun possède un domaine spécifique : l’immigration, la protection des élyséens ou encore le respect de la loi. Le droïde typique est une sorte d’agent protecteur ultra-entraîné et armé jusqu’aux boulons. Mais on a également les robots de bureau, ou administratifs, qui sont un peu le cauchemar contemporain des files d’attentes interminables ou des réponses sans aucune compréhension ni humanité. Pour réaliser les droïdes, des « greysuits men » (hommes en habits gris, avec des capteurs) ont été utilisés pour faire les mouvements et les attaques. Leurs gestes ont ensuite été modélisés pour créer les droïdes du film. La conception du design de ces derniers s’inspire directement des voitures et des motos : pistons, tuyaux, voyants et carrosserie sont des éléments qu’on peut retrouver chez les robots de Blomkamp.
Elysium, ou un moralisme désagréable ?
Film sur l’environnement se dégradant peu à peu, on peut aussi déceler dans Elysium une métaphore de la frontière américano-mexicaine, les lieux de tournage étant respectivement Mexico pour la Terre et Vancouver pour Elysium… La lutte des classes dans l’œil de la science-fiction, un si bon mélange ? Des clichés à peine dissimulés de méchants patrons contre de gentils prolétaires, du pathos entre le petit garçon qui essaie de prendre une place vers un monde meilleur, des bambins en vêtements arrachés, des jeunes à la peau douce au bord d’une piscine… Poser un problème contemporain est louable, mais la fin, sans spoiler, n’est-elle pas contradictoire, et sans solution viable ?
Le plus grand problème d’Elysium, ce ne sont pas ses graphismes, ou ses effets spéciaux, qui sont remarquables. Mais bien le contexte cinématographique dans lequel il s’inscrit : pléthore de blockbusters de science-fiction ont déjà été créés comme After Earth, Oblivion, Prometheus ou même Pacific Rim, qui narrent tous des histoires dans des univers parallèles ou des futurs envisageables et destructeurs. Le public sera-t-il une fois de plus émerveillé, ou bien désabusé par tant de technologie avant-gardiste et de paysages détruits ? Ce sont encore et toujours les spectateurs des salles obscures qui seront en charge de juger.